PACTE - Tirée à quatre épingles



Pourquoi avoir fait ce film?

Dans ma carrière, j’ai rencontré des femmes cadres anormalement agressives. Je me suis demandée ce qui se passait dans leur esprit pour en arriver à se comporter plus brutalement qu’un homme n’oserait jamais le faire. Et j’ai constaté que se trouvait, derrière cette agressivité, un énorme manque de confiance en soi. Et que, derrière ce manque de confiance en soi, se nichait un mal-être. Dans le monde du travail, les femmes ne savent pas quelle attitude adopter. Elles n’osent pas être féminine en particulier lorsqu’elles se retrouvent dans un milieu masculin. Et du coup, elles se mettent à imiter les codes masculins pour correspondre au cliché du parfait manager. Je souhaite donner le message que les femmes doivent non seulement prendre confiance en elles, mais aussi être elles-mêmes au travail, bien dans leur féminité. Les enquêtes montrent que les entreprises mixtes sont plus performantes - par exemple : Women Matter La mixité, levier de performance de l’entreprise, étude McKinsey et Company, 2007.

Le fait d’employer des femmes n’est un avantage que si les deux genres se mélangent tout en restant différenciés: les hommes avec des vêtements et des attitudes d’hommes, et les femmes avec des allures et des visions de femmes. Dans les entreprises vraiment mixtes – où un minimum de 30% de femmes sont présentes à tous les niveaux de la hiérarchie – elles deviennent alors complémentaires des hommes. N’étant plus isolées en tant que femmes, elles osent utiliser leur intuition et rester à l’écoute de leurs émotions. Grâce à quoi, elles amènent beaucoup au management de l’entreprise. Une femme qui singe le stéréotype masculin et, de ce fait, masque ses émotions, court le risque de devenir agressive, voire d’exploser. La mixité harmonieuse et complémentaire amène une plus grande créativité, une large ouverture sur le monde, et par conséquent améliore l’innovation et la compétitivité de l’entreprise.

Il faut cependant garder à l’esprit que les compétences dites féminines ne sont pas innées, mais acquises par l’éducation. Il en va de même pour les compétences dites masculines. Il y a autant de différences entre une femme et une autre, qu’entre une femme et un homme. Cependant, dans notre société, l’éducation des garçons et des filles reste encore différenciée. Aux garçons, la réussite et la carrière. Et aux filles, le soin aux autres et la famille. Et les filles pensent qu’elles ne réussiront en entreprise que si elles imitent les comportements dits masculins. Avec ce film, je voulais illustrer ce raisonnement par l’exemple d’une femme qui essaie de se convaincre qu’elle sera plus crédible en masquant sa féminité et en s’habillant de manière asexuée. Elle change de peau le matin pour se muer en une personne différente. Elle croit que, de cette manière, ses idées seront mieux perçues. Mais, finalement, c’est le contraire qui se produit parce qu’elle n’est pas dans sa vérité.

Constats

Les femmes adoptent des allures d’hommes

A Genève, dans le quartier des affaires et des banques, par exemple, il y a de plus en plus de femmes. Mais on ne les voit pas. Elles s’habillent en tailleurs de couleur foncée et en chemisiers blancs. L’allure générale reste masculine.

Les femmes pensent qu’elles doivent se masculiniser pour faire carrière

Les femmes pensent posséder une marge très réduite dans leurs codes comportementaux et vestimentaires. Elles oseront peut-être un chemisier rouge au lieu d’un chemisier blanc, ou détacher leurs cheveux. Mais cela s’arrête là. La crainte derrière cette retenue, c’est de ne pas être crédible, ou alors d’être prise pour une séductrice, d’être considérée uniquement pour son atout de séduction sexuel, et non pas pour la qualité de ses compétences professionnelles. Lorsqu’un homme est perçu comme séduisant, c’est pour ses propos, son efficacité et son charisme. Lorsque l’on dit d’une femme qu’elle est séduisante, on parle de son physique, et ceci même dans le contexte professionnel. Et cela rabaisse ses compétences aux yeux de ses interlocuteurs.

Les codes vestimentaires sont destinés aux hommes

Les codes vestimentaires des entreprises s’adressent aux hommes en priorité et découlent du traditionnel costume-cravate. Pour élaborer les codes féminins, les employeurs se sont contentés de se calquer sur cette tradition qu’ils ont déclinée au féminin. Pour que les règles vestimentaires collent véritablement aux femmes, tout reste à inventer et c’est délicat. Comment doivent s’habiller les femmes un peu fortes ou petites, par exemple? Personne ne le dit. A Lausanne, la gérante d’une boutique m’a raconté que certaines clientes choisissaient des costumes croisés masculins, qu’elles faisaient retoucher en fonction de leur silhouette.

Les femmes ne sont pas plus crédibles parce qu’elles se déguisent en hommes

Quand on n’est pas authentique avec soi-même, on n’est pas crédible. On le voit très bien avec l’héroïne du film: elle se déguise en homme, mais ne parvient pas à imposer son projet. Le jour où, surprise entre deux portes en blouse à fleurs, habillée très féminine, elle devient différente dans sa gestuelle, dans sa façon de se mouvoir, elle se montre qui elle est: une femme naturelle et bien dans sa peau. Des études ont montré que c’est la gestuelle, plus que les propos, qui emportait l’adhésion de l’interlocuteur. Habillée en femme, elle est plus authentique, donc plus convaincante.

Le modèle masculin change

Les hommes d’affaires et les managers de la nouvelle génération semblent sortis d’un magazine de mode. Ils ont du charisme. Ils sont séduisants. Ils font attention à leur ligne, à leur santé, à leurs vêtements. L’homme d’affaires bedonnant avec un gros cigare appartient au passé. Selon l’ouvrage de Christine Castelain Meunier, intitulé «Les métamorphoses du masculin», il y a aujourd’hui trois types d’hommes. Les hommes dans le changement, les hommes dans la défensive et les non réactifs. Les hommes dans le changement forment une nouvelle classe: ils veulent tout: réussir leur carrière, s’occuper de leurs enfants et séduire. Une métamorphose de la masculinité est en train de se produire. Christine Castelain Meunier a fait ce constat durant un voyage à Damas, où elle a vu des hommes qui portaient leurs enfants en kangourou. Ce qui signifie que les hommes changent sur la planète entière et pas seulement chez nous. La monoculture masculine du costume-cravate rigide déplaît même aux hommes. Tous ne s’y retrouvent pas.

Les entreprises font fuir les talents féminins

Pour que les femmes investissent les lieux de pouvoir, elles doivent en avoir envie. Or, il y a plus de la moitié des femmes qui ne peuvent accepter les codes vestimentaires masculins. Par conséquent, seules les femmes qui se sentent bien dans des vêtements androgynes réussissent dans certains métiers, comme ceux de la banque ou de l’industrie. En poursuivant sur la voie de la masculinisation de leurs troupes, les entreprises se privent de cerveaux: elles découragent une partie des hommes, ceux qui refusent le port du costume-cravate, et la majorité des femmes. Ces entreprises se privent ainsi d’une diversité des compétences et des approches, jusque dans leurs conseils d’administration.

Causes

Les femmes n’ont pas de modèles féminins

Une femme qui souhaite se vêtir de manière féminine ne sait pas comment s’y prendre. Elle n’ose pas se distinguer par une apparence différente et originale. Et l’absence de femmes dans la hiérarchie n’aide pas. Car, c’est elle qui montre la voie. Sur une photo de conseil d’administration, par exemple, je mets quiconque au défi de repérer la femme au premier coup d’œil. De plus, une femme possède rarement l’exemple d’une mère qui a fait carrière et dont elle puisse s’inspirer. Elle doit tout inventer. Elle doit être pionnière et cela demande une forte capacité de résistance.

Les femmes craignent de passer pour des allumeuses

Derrière son mimétisme des comportements masculins, il y a la peur de la femme d’être prise pour une séductrice, une fille légère si elle se montre trop féminine. Elle craint que l’on s’intéresse à son atout charme, plutôt qu’à ses compétences et à son intelligence. Il y a un élément très inconscient dans ce mimétisme. Le cœur du problème est là : la peur de passer pour une allumeuse est profondément ancrée chez la femme. De plus, le pantalon est historiquement un symbole de pouvoir: comme dans l’expression «porter la culotte».

Les femmes n’ont pas de codes vestimentaires auxquels se référer

Les femmes ne savent pas comment faire: se maquiller? Mettre des bijoux ? Lesquels? Etre sobres? Quelles couleurs porter? Les motifs à fleurs sont-ils autorisés? Il y a un vide sur ces questions dans les organisations. Les rares entreprises qui tentent d’élaborer des codes destinés à leurs collaboratrices demeurent dans les stéréotypes inspirés par les comportements masculins.

Par exemple, récemment, plusieurs banques ont élaboré des codes vestimentaires. Et que prônent-ils pour les femmes? Des tailleurs unis, de couleur foncée, des chemisiers blancs, des chaussures fermées noires et classiques, des ceintures noires. La jupe doit s’arrêter au milieu du genou. Les seuls bijoux autorisés sont les colliers et boucles d’oreille de perle. Ces règles restent très proches des codes masculins. Aucune femme ne peut se reconnaître dans un style vestimentaire aussi rigide. C’est comme une prison pour elle. Alors que la longueur de la jupe, la coupe du chemisier ou la hauteur des talons devraient être en adéquation avec la silhouette de chacune.

Une telle codification signifie que, dans le fond, les entreprises n’acceptent toujours pas la féminité au sein de leurs équipes. Personne n’ose dire qu’il faut casser ces codes et en inventer de nouveaux. Il suffit d’observer ce qui s’est passé avec nos conseillères fédérales. Le jour où elles ont brisé la règle du costume gris ou bleu sombre, où elles se sont mises à porter des couleurs vives et des coiffures originales, elles ont fait la une des journaux pour leur look. Dès qu’elles osent innover, les femmes sont mal jugées.

Les femmes manquent de confiance en elles

Il faut posséder une grande confiance en soi pour s’imposer sans provoquer. C’est tout un art. Surtout quand on est jeune et que l’on débarque dans une entreprise. Malheureusement, sur le plan professionnel, c’est justement cette confiance qui manque aux femmes. Paradoxalement, une femme doit développer sa part masculine, sa capacité à s’imposer, à être sûre d’elle, pour s’autoriser à devenir plus féminine dans son apparence et son comportement, et pour imposer cette féminité à son entourage professionnel.

Pistes

Oser l’authenticité

Pour être performante, une femme doit être naturelle et authentique. Mais pour être authentique, elle doit d’abord apprendre à se connaître, se poser les bonnes questions, se demander de quoi elle a vraiment envie. De porter des jupes? Des talons hauts? Ou plutôt des pantalons et des escarpins? Elle doit aligner son apparence avec sa personnalité et ses envies, avec l’image qu’elle a d’elle-même. Toutefois, c’est difficile d’être une pionnière, cela demande une forte assertivité et de la résistance.

Cultiver sa confiance en soi

La confiance en soi s’apprend et se cultive. Une femme doit s’attendre à recevoir des remarques de son entourage professionnel. Elle doit apprendre à faire preuve de répartie et à rester positive. Elle doit s’y exercer, étudier les différentes situations, ne pas dramatiser, ni se laisser victimiser, ni devenir paranoïaque. Si elle accepte sa féminité, si elle accepte qu’elle peut être séduisante pour un homme, sans que cela ne la déstabilise, elle fait déjà un grand pas vers la confiance en soi. La pire attitude, pour une femme, est de se fâcher ou de se montrer agressive face aux compliments. Tous les hommes ne sont pas malveillants. Je connais des managers qui souhaitent sincèrement mettre des femmes à des postes clés. Toutefois, quand ils observent des comportements agressifs, ils s’en inquiètent. Il existe des cours destinés aux femmes, pour travailler sur l’émotionnel et améliorer sa confiance en soi.

S’inspirer d’un modèle que l’on trouve séduisant

L’idéal est de repérer une femme qui est bien dans sa peau, et de s’en inspirer. Ce modèle peut se trouver à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise. Cela peut être une grande figure féminine que l’on admire. Le mentorat s’avère également très utile. Au moment de choisir une femme mentor, il faut privilégier une personne qui nous séduit en tant que femme, et pouvoir se dire «j’ai envie de lui ressembler ».

Changer le regard des hommes sur les femmes

Les hommes ont appris à ne distinguer que la séduction sexuelle dans les signaux de séduction d’une femme. Les hommes entre eux ont une attitude de camaraderie. Dans leurs relations, la séduction est intellectuelle. Alors que face à une femme, ils se cantonnent uniquement dans la séduction sexuelle. Cette donnée, inconsciente, fausse les rapports entre les deux sexes. Les hommes devraient apprendre à se laisser séduire par le charisme d’une femme, par ses idées, par sa créativité. Sans qu’il y ait d’attirance sexuelle.

Réviser les codes vestimentaires des entreprises

Les directions des entreprises ne devraient élaborer de nouveaux codes vestimentaires qu’après avoir mené une réflexion en profondeur sur la féminité, et s’être débarrassées des codes qui découlent du masculin. Les femmes sont très différentes les unes des autres, du point de vue de leur taille, ou de leur poids. Leur physionomie dépend de leur hérédité, mais aussi des différentes étapes de la vie. Elles n’auront pas le même physique selon qu’elles seront enceintes ou ménopausées. L’apparence physique a plus d’influence sur la tenue vestimentaire d’une femme que sur celle d’un homme. L’homme pourra porter un costume cravate quel que soit son physique. Une femme en revanche, selon sa silhouette, ne pourra pas porter telle coupe de robe ou de pantalon.


Résumé du film


Valérie, très sérieuse dans son tailleur sombre, avec ses lunettes sévères et ses cheveux attachés, présente un concept de flacon de parfum à son patron et à un client. Elle est tendue. Son discours ne sonne pas juste. Elle ne convainc pas le client, qui repart sans signer. Valérie ne comprend pas ce qui s’est passé : son projet est excellent de l’avis de tous.

Quelques jours plus tard, en jupe, talons hauts et blouse à fleurs, les cheveux détachés, elle prend un verre avec une amie quand son patron lui demande de venir d’urgence. Le client, Monsieur Nielsen, est là et veut reparler du projet. Elle n’a pas le temps de se changer et file au bureau avec sa tenue hyper féminine. Elle présente le même projet. Cette fois, elle est souriante et détendue. Et le client se montre enthousiaste. La partie est gagnée.

Mot clé: séduction

Action de séduire, d'attirer à soi, à ses idées, à ses projets, en développant du charme.

Et vous?

Qu’est-ce qui fait, selon vous, qu’une personne est séduisante ?

Quel est le vêtement ou la coiffure que vous n’oseriez jamais porter sur votre lieu de travail ? Quelles en sont les raisons?

Qu’est ce que le look ? Quelles en sont les signes plus féminin et plus masculin ?

Avez-vous déjà vécu une situation dans laquelle vous n’étiez pas à l’aise avec votre look ? Racontez cette situation.

En quelles occasions votre attitude vous a-t-elle permis de convaincre ? Quelles ont été les clés de cette réussite ?